Le vicomte Maurice du Coëtlosquet bienfaiteur du Carmel de Rouvroy

Le vicomte Maurice du Coëtlosquet (1836-1904) a fait don de 90 000 francs à Mère Germaine, en 1902, pour acheter le Château de Rouvroy, en Belgique, afin d'y trouver refuge, avec ses sœurs carmélites de Nancy. Elles étaient inquiétées par les nouvelles lois en vigueurs en France, à l'encontre des communautés religieuses non autorisées. Il était issu d'une prestigieuse famille aristocratique qui s'était distinguée, depuis le temps des Croisades et sans doute bien avant, tout au long de l'histoire de la France. Une branche s'était installée à Metz, qu'elle considéra comme sa seconde patrie. Ferdinand des Robert, dans l'hommage qu'il fit de son ami Maurice du Coëtlosquet dans la revue L'Austrasie, écrit que la famille du Coëtlosquet était très populaire à Metz. On la savait charitable à l'extrême, modeste et ennemie de tout luxe intempestif. Elle se mêlait et coopérait à toutes les bonnes œuvres. Les pauvres et les ouvriers pouvaient s'adresser à elle sans être jamais repoussés.

 

Maurice du Coëtlosquet était le seul fils qu'avait eu Jean-Baptiste Maurice, baron du Coëtlosquet, de sa première femme, Anne-Caroline de Wendel, décédée en 1837 à l'âge de 25 ans. Par sa mère, il était allié à la puissante famille d'industriels de Wendel. Sa grand-mère, Marie Joséphine de Fischer, veuve de François de Wendel, lui offrit en 1855 le château de Mercy, où la famille du Coëtlosquet vécut jusqu'en 1870.

 

S'ajoutaient à la résidence plusieurs dépendances pour les resserres, les cuisines, les écuries... Dans la cour principale, la chapelle privée, celle-là même qu'avait construite Jean Bertrand de Saint Jure, était pourvue du mobilier et des effets sacerdotaux nécessaires. Il y avait aussi sur la propriété de Mercy une petite chapelle dédiée à Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, aussi appelée Notre-Dame des Champs, qui était un lieu de pèlerinage ; Maurice du Coëtlosquet s'y rendait souvent8. Les nouveaux propriétaires firent réaliser de superbes jardins à la française selon les conceptions romantiques du paysagiste Paul de Lavenne de Choulot. La famille du Coëtlosquet occupa ce château de 1855 à 1870. Maurice du Coëtlosquet y habitait toute l'année en véritable gentilhomme campagnard, s'intéressant à tous les travaux agricoles et y aidant de son argent.

 

Maurice du Coëtlosquet était un érudit : il s'intéressait aux sciences et aux innovations, aux arts et à l'architecture, aux lettres et à la musique, à l'archéologie et à l'histoire... Il suivait l'évolution des techniques agricoles et les appliquait sur son domaine. Il soutenait les artistes lorrains, ceux de Metz en particulier, et reprit la revue L'Austrasie. Par dessus tout, il était doué de grandes dispositions musicales, et il en avait donné la preuve dès son jeune âge, surtout à Plappeville, où il accompagnait sur l'orgue les chants liturgiques pendant la grand'messe. Il jouait également du violoncelle. Il chantait aussi avec accompagnement, et ses frères et sœurs faisaient cercle autour de lui, l'admiraient et s'essayaient, à qui mieux mieux, à redire de mémoire les airs qu'il avait essayé de leur apprendre. (...) Peu à peu le goût de la composition envahit l'âme du jeune musicien. Il eut pour maître et pour guide M Théodore Gallyot, qui fit des séjours prolongés au château de Mercy, et qu'il continua à fréquenter lorsqu'il se fut retiré à Metz. Nous pouvons citer, parmi les nombreuses œuvres composées par Maurice du Coëtlosquet, un Salve Regina, un Sub Tuum, un Inviolata et un Tantum ergo. Il mit en musique deux poésies de sa belle-mère, l'une Sur les avantages de la campagne, l'autre qui fut adressée par elle au comte de Chambord, ainsi que plusieurs poésies de M. de Bezancenet, entre autres une opérette ayant pour titre « Sur le palier ». (...) Maurice du Coëtlosquet fut également l'auteur d'un Chœur des Moissonneurs, qui fut exécuté dans un des salons de l'Hôtel de ville de Metz, peu avant la guerre. Il orchestra, à la même époque, un Chœur des Vendangeurs, et d'autres morceaux du même genre. Je crois même qu'il fut l'auteur d'un opéra représenté à Bade, qui avait pour titre Abdallah au désert.

 

Disposant d'une grande fortune, Maurice du Coëtlosquet n'hésitait pas à en faire bénéficier la région. Il devint ainsi l'un des plus importants bienfaiteurs de Metz et du Pays messin. Il exerça sa générosité sans compter et avec une grande discrétion envers les pauvres, les paysans de son domaine, mais aussi les institutions religieuses, les écoles, les foyers d'ouvriers, la maternité de Metz...

 

Après la capitulation de Metz, Maurice du Coëtlosquet séjourna jusqu'en 1872, date à laquelle il opta pour la France, dans l'hôtel de la rue des Parmentiers. Il seconda par tous les moyens le zèle charitable des Quakers anglais qui avaient amené à Metz des vivres, des vêtements et des semences de toute sorte, pour les répandre dans nos campagnes dévastées. (...) Après son départ de Metz, il acheta, à Nancy, rue du Manège, un hôtel, qu'il revendit quelque temps après. Il acheta également le Châlet, situé entre Frouard et Liverdun, au baron dé Mandel-d'Ecosse. Le temps, loin d'adoucir les souffrances de l'exil, ne fit que les accroître chez notre ami. Désormais, il se considéra comme un déraciné ici-bas, sauf quand il pouvait passer quelques jours ou quelques heures dans son pays natal, qu'il aimait toujours avec passion. Le 2 janvier 1874, il épousa, à Rambervillers, Mademoiselle Marie-Renée Deguerre, dont les aimables qualités et les chrétiennes vertus firent le bonheur de sa vie et l'aidèrent à en supporter les épreuves. Un an plus tard, lui naquit une fille à laquelle il donna le prénom de Caroline. Elle fut toujours, à juste titre, l'objet de sa tendresse.

 

(…) La mort de Maurice du Coëtlosquet fut presque subite. Malade et alité depuis deux jours à Rambervillers, il se leva pour recevoir des religieuses qui venaient l'entretenir d'œuvres charitables. Mais il se sentit tellement indisposé, que le vénérable abbé Lœillet, curé de Rambervillers, n'eut que le temps de prononcer des paroles d'absolution. Il les achevait à peine que le pauvre malade agonisait et rendait le dernier soupir (…) Les obsèques se firent dans l'église de Rambervillers. Toute la ville y assistait. Le curé y prononça un panégyrique fort éloquent, dans lequel il rappela les immenses largesses du regretté défunt, en faisant ressortir toute sa modestie. Les restes de Maurice du Coëtlosquet reposent, selon son désir, dans la chapelle du château de Mercy qu'il venait de reconstruire.

 

Maurice du Coëtlosquet resta tout au long de sa vie fidèle à la longue tradition de sa famille. Il était chrétien, sans que ses convictions intimes l'empêchassent d'en accepter de différentes. Et, en véritable patriote, il fut sans aucun doute blessé au plus profond de son être par la Guerre franco-prussienne et par le désastre qui s'ensuivit. 

 

Ferdinand des Robert, « Maurice de Coëtlosquet », in L'Austrasie : revue du pays messin et de Lorraine, avril-, n°8, p. 384-443.